Montaigne et les Amérindiens

Alors que bon nombre de commentaires voient dans le chapitre XXXI du livre premier des Essais (« Des cannibales ») un texte fondateur pour l’image européenne du « bon sauvage », l’enquête sur son processus de production, menée ici par Jean-François Dupeyron, exhibe un processus d’écriture plus complexe, dans lequel des souvenirs de lecture et des rumeurs ont tenu lieu de « connaissance » des Indiens et d’« informations » sur eux. Ainsi l’intérêt de Montaigne pour les Amérindiens met à l’épreuve toute la démarche utilisée dans les Essais issue pour l’essentiel des auteurs antiques et de ses propres expériences.

Dès lors, l’irruption de ces nouveaux objets examinés par Jean-François Dupeyron – les Amérindiens – permet de comprendre comment Montaigne interprétait les documents contemporains, qu’il ne citait jamais à la différence des auteurs antiques. Il apparaît ainsi attentif au détail des témoignages mais, fidèle à sa réputation, il semble fort critique et donc prudent, vis-à-vis des sources utilisées et de la réception de ses écrits.

Orientant son regard sur les seuls Amérindiens tels que les présente Montaigne, Jean-François Dupeyron décortique la genèse des Essais, des informations collectées à Rouen auprès d’eux ou auprès de témoins tel que son domestique qui avait séjourné en Amérique, mais surtout dans les Relations des divers « explorateurs ».

Par ses exigences et sa subtilité, l’humaniste sort grandi de cet intransigeant examen.

recension : https://journals.openedition.org/lectures/13423