Colloque annuel de la SofPhied : "Qui sont les philosophes de l’éducation ?"
Qui sont les philosophes de l’éducation ?
Appel à communications pour le colloque de la SofPhied
à l’INSPE d’Arras (Université de Lille), 5-7 juin 2024
L’interrogation par excellence de la philosophie semble être celle du « qu’est-ce donc que cette notion ? ». Le Socrate de l’Hippias majeur apparaît en effet bien dépité quand, à la question de savoir ce qu’est la beauté, on lui répond que c’est un beau cheval, un beau vase ou une belle femme ; la philosophie ne chercherait pas à savoir ce qui est beau mais ce qui fait que ce qui est beau est bien tel. « Qu’est-ce que le beau » porte sur une essence, tandis que « qu’est-ce qui est beau » renvoie à des êtres partageant une caractéristique commune, une propriété jugée essentielle justement, mais est souvent loin de discerner cette dernière.
Pourquoi devrait-il en aller mieux avec la question « Qui sont les philosophes de l’éducation ? », quand les habitudes disciplinaires amènent immédiatement à se corriger pour formuler un « Qu’est-ce que la philosophie de l’éducation ? ». À première vue, on attendrait une nouvelle collection d’exemples, qui ne vaudraient pas mieux qu’une belle jument, qu’une belle amphore ou qu’un bel homme. Mais c’est justement en ne voulant pas tomber dans une évidence disciplinaire, un allant-de-soi appris en formation et souvent reproduit par profession, que la question commençant par « Qui » trouve sa justification : dans quelles circonstances déterminées, dans quelle configuration précise, quelque chose comme des individus, voire des corps déterminés ou des associations savantes (dont la SofPhied) ont-ils pu se présenter comme des incarnations ou des instanciations d’une philosophie de l’éducation ?
AXE 1 : Sous l’angle du comparatisme international
Comment quelque chose comme une philosophie de l’éducation se manifeste-t-il en France et dans des pays étrangers ? Si l’on prend par exemple le cas de l’Allemagne, on trouve désormais des ouvrages, voire des chaires universitaires, qui emploient les expressions de « didactique générale » ou de « pédagogie fondamentale » ; cela montre-t-il une nouvelle génération d’actrices et acteurs de l’éducation qui ont été formés à la philosophie, ou ont eu des maîtres philosophes, mais se sont déplacés ? S’agit-il plus nettement d’une rupture avec une discipline-mère ? En général, on pourra se demander si des vis-à-vis étrangers se nommeraient eux-mêmes « philosophes de l’éducation » et, qu’ils le fassent ou non, comment ils justifient ou justifieraient cette appellation. En outre, pour savoir comment les acteurs d’une réflexion générale et non empirique sur l’éducation se distribuent dans différents pays, le colloque invitera des conférenciers étrangers.
AXE 2 : Dans une perspective nationale historique
Nous pouvons également regarder comment des étiquetages de « philosophes de l’éducation » ont eu lieu au cours du temps en France, et dans quelles institutions ils ont eu lieu. S’est-il seulement, ou principalement, agi de formateurs d’enseignants, par exemple ? À quels indices peut-on relever que des philosophes de l’éducation existent : quand y a-t-il eu constitution d’un corpus, voire d’un canon ? Quand des articles ou des ouvrages mentionnent-ils cette expression, cautionnant par là-même que leurs auteurs en sont possiblement les représentants ? Quid des chaires de « science de l’éducation » puis de philosophie de l’éducation, dans les sections CNU n°17 et/ou 70 ? Un retour sur les conditions d’apparition, voire de déclin ou de disparition, de philosophes de l’éducation dans l’espace national apparaît également comme indiqué. En particulier, une considération réflexive sur ce qu’est la SofPhied comme société savante pourrait être la bienvenue.
De même, il serait intéressant d’interroger, sous l’angle de leur rapport à l’activité philosophique, des figures oubliées de l’histoire des idées d’éducation (les « petits pédagogues » du mouvement ouvrier, par exemple), des acteurs politiques ayant élaboré une théorie de l’éducation, ou des pédagogues ancrant leurs pratiques dans des conceptions générales de l’enfance, de l’éducation, de la vie, de la société. En quoi sont-ils ou ne sont-ils pas des philosophes de l’éducation ?
AXE 3 : En questionnant l’aspect disciplinaire de la philosophie de l’éducation
La question de la présence de philosophes patentés (ayant reçu des grades ou obtenu des concours) dans des institutions de formation d’enseignants pose, plus précisément, celle de savoir s’il n’y a pas existé de philosophie ne disant pas son nom. Lorsqu’on enseigne la psychologie, l’éthique, voire la gestion de classe ou les lois d’orientation scolaire, est-on encore un philosophe de l’éducation ou justement est-ce par là qu’on en devient vraiment un ? En particulier, cette réflexion engage de considérer la place de nombreuses femmes dans feues les écoles normales. Que signifie avoir été formé à la philosophie et occuper une place de direction dans ce type d’institutions ? Il s’agit aussi de considérer la philosophie hors les murs, que ces murs soient ceux, étroits, de la classe, ou, plus larges et sans doute plus redoutables, des périmètres universitaires. Il convient ainsi d’accepter le caractère non pur de ce qu’on aurait tôt fait de ne voir que comme une matière académique : quelles pratiques, quels usages, quelles positions montrent qu’il y a bel et bien eu des philosophes de l’éducation en opération ?
Parallèlement, l’existence d’une « philosophie de terrain » et d’une « philosophie pour enfants », de même que les pratiques variées de méthodes pluridisciplinaires en sciences humaines et sociales, appliquées à l’éducation, montrent la capacité de la philosophie à se mêler de tout – peut-être à « se mêler à tout » – au point d’estomper les frontières disciplinaires.
AXE 4 : En interrogeant le canon des autrices et auteurs de référence
Poser la question « qui sont les philosophes de l’éducation ? », c’est aussi vouloir savoir quelles femmes et hommes ne le sont pas ou, du moins, ne sont pas reconnus comme tels. Pourquoi tel canon littéraire, pourquoi couramment Kant, et non Herbart, Dewey, et non Noddings, Condorcet, et non de Gouges ? Qu’est-ce qui fait, en outre, que les noms de Montessori, de Kerschensteiner ou de Bruner ne vont pas de soi pour accroître la liste des références ? En particulier, des interventions montrant en quoi telle ou telle contribution dans le champ de la pensée intéresse la philosophie de l’éducation, et mérite du même coup qu’on prenne au sérieux son autrice ou auteur comme relevant du champ intellectuel donné, seraient les bienvenues. Des interventions sur l’extension, voire le renouvellement du canon, pourraient de même prendre place dans le cadre du présent colloque.
Recommandations pour la proposition de communication
L’intention du colloque étant plutôt d’étudier la variété des occurrences et des déclinaisons de la philosophie de l’éducation, les propositions pourront aborder des perspectives très différentes. Toutefois, le but n’étant pas de simplement collectionner des portraits ou de faire se suivre des interventions ponctuelles sur telle ou telle figure singulière, on veillera, dans la mesure du possible, à ne pas proposer de titre qui sonnerait ainsi : « Untel ou Unetelle, philosophe de l’éducation ».
Nous souhaitons également que les propositions ne se cantonnent pas dans un cadre franco-français, et plus particulièrement qu’elles ne cherchent pas à reprendre à nouveaux frais des recherches déjà fort convenablement menées par d’autres (des recherches ayant déjà été largement menées, par exemple, sur la création des sciences de l’éducation ou sur l’intervention de philosophes en formation des maîtres à la fin du 19e siècle, on devra proposer un thème nouveau ou un angle inédit pour aborder de semblables thèmes).
Calendrier et modalités
→ Format des propositions de communication : un résumé d’environ 300 à 500 mots, comprenant des indications bibliographiques et des mots clés, et précisant le ou les axes de travail dans lesquels ils peuvent s’inscrire.
→ Date limite d’envoi des propositions : 22 janvier 2024
Les propositions doivent être envoyées à :
jeanfrancois.goubet@univ-lille.fr
→ Tenue du Conseil Scientifique pour sélection des propositions et réponse aux contributeurs et contributrices : 9 février 2024.
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