Conférence Lianes et Cannibales : pour une philosophie et une épistémologie de la rencontre

Date : 08 mai 2025

Lianes et Cannibales : pour une philosophie et une épistémologie de la rencontre

Conférence donnée dans le cadre du 92e Congrès de l’ACFAS (colloque Au cœur des perspectives décoloniales : déconstruction de la recherche et propositions de co-construction inter/trans/disciplinaires pour plus de justice épistémique)

Montréal, jeudi 8 mai 2025, 13h20

https://www.acfas.ca/evenements/congres/programme/92/600/649/c 

Les approches décoloniales ont fait leur entrée au sein de la philosophie occidentale, non sans tensions car elles interpellent fortement une assise idéologique reposant sur l’image d’un « miracle grec » comme seule fondation de la philosophie, sur l’idée d’un monopole occidental de la pensée rationnelle, et sur le primat absolu de l’universel humain tel que formulé par la philosophie des Lumières. Nous rappellerons comment la déconstruction de ces savoirs colonialisés, tout en s’avérant nécessaires à l’établissement d’une forme de justice épistémique, rencontre elle-même ses propres difficultés, telles que le montrent les questions du traditionnalisme, de l’ethno-philosophie (Houtoundji, 1977) ou de l’identitarisme. Pour les surmonter, nous proposerons de revenir sur une anthropologie des « branchements » (Amselle, 2001) montrant la puissance des liens, des rencontres, des créolisations dans le parcours des sociétés humaines, à l’instar du lyannaj antillais (Touam Bona). Un exemple philosophique célèbre (Montaigne et les « Cannibales ») illustrera cette méthode de recherche axée sur l’épistémologie de la rencontre et combinant l’anthropophagie culturelle (O. De Andrade, 1928) et la recherche pluriverselle d’une humanité commune. En somme, nous réfléchirons à une histoire dialogique des pratiques philosophiques, délivrées de l’enfermement dans des sources monologiques. Il ne s’agit donc pas de se contenter d’affirmer le « droit de chacun à s’exprimer » mais de nous permettre de « nous réunir [en donnant] à ce autour de quoi nous nous réunissons le pouvoir de nous toucher, de nous forcer à sentir et à penser » (Starhawk & Stengers, 2019).